Le sud du Brésil et les missions jésuites

Du Vendredi 30 Octobre au Dimanche 15 Novembre 1998

Pourquoi partir en Novembre ? Parce qu'il me reste des congés à prendre, je ne sais pas quoi en faire, et mon ami Marçal me propose de lui rendre visite. Marçal et Jennifer ont déménagé, ils ont quitté São Paulo pour Porto Alegre, Rio Grande do Sul d'où est originaire Marçal. Marçal est un "Gaúcho", il est né à Vacaria. Les Brésiliens du Rio Grande do Sul sont communément appelés Gaúchos.

Gaúcho, c'est un mot qui vient du Castillan. Dans son sens historique, un gaúcho était un "métis qui, aux 18e et 19e siècles, habitait l'Argentine, l'Uruguay et le Rio Grande do Sul au Brésil, et était un cavalier migrateur, et adepte du travail du bétail".

La figure du gaúcho est un symbole de l'Argentine, de l'Uruguay, du Rio Grande do Sul au Brésil, et du sud de la Patagonie chilienne. Le gaúcho ressemblait à d'autres cultures rurales basées sur le cheval du 19e siècle, telles que le cow-boy nord-américain. C'est un cavalier habile, réputé pour être courageux et indiscipliné.

Je ne suis jamais allée dans l'extrême sud du Brésil (simplement parce que je n'en avais pas envie).
Cependant j'ai envie de connaître l'endroit où est né Marçal, et où lui et Jennifer se sont installés.

Mais j'ai une idée en tête : c'est un rêve qui ne m'a pas quitté depuis que j'ai vu au cinéma le film américain de Roland Joffé "Mission".

Ce film relatait les quelques 150 ans d'histoire des réductions guaranies, sortes de républiques autonomes créées par les jésuites aux confins du Paraguay, de l’Argentine, et du Brésil.

J'ai vu ce film en 1986, et c'était au retour de mon premier voyage au Brésil. Dès lors j'ai commencé à me documenter, à lire sur l'histoire des Missions Jésuites en Amérique du Sud, et je me suis mis dans la tête qu'un jour j'irai les voir de mes yeux.

J'ai donc dit à Marçal...
OK pour Porto Alegre mais je veux visiter les Missions Jésuites !

Affiche du film

Les réductions

Ce que l'on appelle des "réductions" (en espagnol : "reducciones") ce sont les missions catholiques qui ont été construites et gérées par des missionnaires, en particulier des membres de la Compagnie de Jésus, en Amérique latine, entre le début du 15 ème siècle et le milieu du 18 ème siècle.

Le but était avant tout de regrouper les populations indigènes pour mieux les intégrer au système politico-économique, et dans la partie amazonienne de les protéger des razzias de chasseurs d'esclaves (les bandeirantes), puis de les évangéliser, ce qui comprenait un processus éducatif de développement socio-culturel et économique. L'objectif de ces réductions était aussi d'inculquer le mode de vie européen aux amérindiens, en les faisant passer d'un mode de vie tribal à l'état sauvage à un mode de vie sédentaire dans un village.

Rio Grande do Sul

L'État du Rio Grande do Sul est l'état le plus méridional du Brésil, il forme la frontière avec l'Uruguay au sud et l'Argentine à l'ouest. Sa capitale est Porto Alegre. La population descend principalement d'Italiens et d'Allemands qui ont commencé à émigrer vers le Brésil à la fin du 19 ème siècle, de Libanais, d'indigènes, et dans une petite partie d'Espagnols, de Polonais et de Français.

Le nom de l'état "Rio Grande do Sul" est né d'une série d'erreurs et de désaccords cartographiques, quand on a cru que la Lagoa dos Patos était l'embouchure du Rio Grande qui figurait sur les cartes néerlandaises des décennies bien avant la colonisation portugaise en la région.

Histoire

À l'époque de la découverte du Brésil, la région qui forme aujourd'hui le Rio Grande do Sul était habitée par les Indiens Minuano, Charruas et Caaguaras, qui vivaient 12 000 ans avant J.C. Ils étaient de bons potiers et, lorsqu'ils chassaient, utilisaient des boleadeiras, qui sont encore aujourd'hui l'un des instruments du gaucho peão. Ces tribus ont longtemps vécu sans contact avec les colons blancs.

Les différends entre le Portugal et l'Espagne sur les limites de leurs possessions en Amérique font que la région n'est pas occupée avant le 17 ème siècle.

Au début du 17 ème siècle, les Jésuites espagnols sont les premiers à s'installer dans la région.

A partir du Paraguay, ils établirent leurs réductions en plusieurs endroits, atteignant même les environs de la future ville de Porto Alegre et, en général, s'emparant de tout l'ouest du Rio Grande do Sul.

En introduisant le catéchisme, l'aldeamento, les estancias et les herbes dans une grande partie du territoire, les Jésuites établissent, entre 1632 et 1634, des réductions dans le haut Ibicuí (São Tomé, São Miguel, São José, São Cosme et São Damião). Ils élargissent la zone de pénétration, atteignent le bassin du Jacuí et établissent d'autres réductions, y compris au-delà de la province de Tape (Santa Teresa, Santa Ana, São Joaquim, Natividade, Jesus Maria, São Cristóvão).

Par la suite, les bandeirantes détruisirent la province de Guairá, descendent dans la province de Tape, au cœur du Rio Grande, et dans la province d'Uruguay, démantelant les villages et emprisonnant les Indiens, qu'ils prennent comme esclaves pour leurs plantations. Antônio Raposo Tavares est l'un des plus grands chefs de ces expéditions prédatrices (1637). Les villages sont rasés, leurs habitants tués ou emprisonnés, et les survivants s'enfuient avec les Jésuites vers le sud.

Après l'assaut de la bandeira de Raposo Tavares en 1637 l'exode des populations indigènes s'intensifie, avec le transfert des Jésuites et des Indiens le long de la rive droite du fleuve Uruguay, dans la fertile mésopotamie du Paraná.

Ce n'est qu'après 1680, avec la fondation de la Colonia del Sacramento, sur la rive supérieure du Río de la Plata, que la région devient l'objet d'une dispute politique entre Portugais et Espagnols.

A cause des attaques des bandeirantes, les jésuites espagnols ont fui la région de Guairá et à partir de 1682 ont commencé à retourner sur leurs anciennes terres. Parmi les causes soulignées par les historiens expliquant ce retour figurent l'abondance de bétail dans la région et le désir de la couronne espagnole de s'assurer la possession de ces terres en raison de la présence portugaise croissante dans le sud.

Cette même année, la première des sept villes a été fondée : São Francisco de Borja, suivie de São Nicolau, São Luiz Gonzaga et São Miguel. C'est la deuxième phase des réductions, basée sur l'histoire des "Sept peuples des missions" (Sete Povos das Missões) à partir de 1687.

"Os Sete Povos das Missões"

Les Sete Povos constituent la dernière vague de colonisation jésuite à partir de 1687.

"Os Sete Povos das Missões" est le nom donné à l'ensemble des sept colonies indigènes fondées par les Jésuites espagnols dans la région du "Rio Grande de São Pedro", aujourd'hui Rio Grande do Sul, après que les dix-huit réductions fondées précédemment, aient été toutes détruites par les bandeirantes brésiliens et les explorateurs portugais.

Les Sete Povos sont également connues sous le nom de "missions orientales", car elles sont situées à l'est du fleuve Uruguay. Elles comprennent les réductions de São Francisco de Borja, São Nicolau, São Miguel Arcanjo, São Lourenço Mártir, São João Batista, São Luiz Gonzaga et Santo Ângelo Custódio.

Situés sur des terres appartenant nominalement à l'Espagne, sous le commandement de Buenos Aires, les Sete Povos englobaient les grands troupeaux de bétail, qui étaient concentrés dans les vacarias - les Vacarias do Mar - qui atteignaient l'extrême sud de l'actuel Rio Grande do Sul pénétrant le territoire uruguayen, et les Vacaria dos Pinhais dans la région encore appelée Vacaria au nord-est de l'état.

(+ sur les Sete Povos das Missões" ☞ wikipedia.org/wiki/Sete_Povos_das_Missões)

Les Portugais

Dès le début de la colonisation du Brésil, les terres de la région méridionale n'ont pas suscité beaucoup d'intérêt de la part des colonisateurs portugais, en raison de l'absence de métaux précieux et de son climat plus froid (les gelées entravant la culture de la canne à sucre).

Le traité de Tordesillas de 1494 qui établissait le partage du Monde n'a cependant pas empêché la couronne portugaise de s'attribuer le territoire qui aujourd'hui comprend le Rio Grande do Sul et la République orientale de l'Uruguay.

En 1647, Paranaguá est fondée, avec l'établissement sept ans plus tard de Curitiba, En 1658, il y avait déjà São Francisco, comme point d'appui, implanté sur le territoire de l'actuel état de Santa Catarina.

En 1676, le régent Dom Pedro fait don au vicomte d'Asseca et à João Correia de Sá de deux parcelles de terre, de Laguna à l'embouchure de la Plata. Toujours en 1676, l'évêché de Rio de Janeiro s'étend jusqu'au rio da Prata, probablement en accord avec les prétentions portugaises, couvrant toute la région du sud du Brésil.

À partir de 1725, les routes royales ont été construites pour relier São Paulo aux pâturages du Rio Grande, ce qui a permis à des groupes de muletiers de s'installer dans les champs de Vacaria et de Tramandaí. À partir de Viamão, d'autres groupes avancentle long des vallées des rivières Taquari et Jacuí.

À partir du milieu du 17e siècle, l'expansion portugaise vers le sud se fait en direction de la côte atlantique ou le long du rivage de l'océan, toujours avec un soutien maritime. Les Portugais se concentrèrent dans la bande côtière, dont la Colônia do Sacramento était le point extrême.

Les capitaineries inexploitées reviennent en 1727 au patrimoine royal, mais le roi João V refuse de les confirmer.

En 1736 une expédition militaire dirigée par José da Silva Paes atteignit l'embouchure de la Lagoa dos Patos, qui fut prise pour une grande rivière que l'on connaissait sous le nom de Rio Grande.

Ce domaine, à 60 lieues au-dessus de l'embouchure de Lagoa dos Patos, s'est appelé "Capitania d'El-Rei" (un nom qui figurait déjà pour cette région) sur une carte de 1562 sous le nom de "d'El Rei Nosso Senhor", également connue sous le nom de "Rio Grande de São Pedro". Le fort Jesus-Maria-José, fait de bâtons d'acacia, de pierres et de torchis, a été à l'origine de la colonie de "Vila de Rio Grande" (future ville de Rio Grande). L'endroit était un point stratégique pour la défense du territoire, à mi-chemin entre Laguna et Colônia do Sacramento.

Les luttes pour la propriété foncière entre les Portugais et les Espagnols se sont poursuivies et n'ont pris fin qu'en 1801, lorsque les gauchos eux-mêmes ont dominé les Sept Peuples, les incorporant à leur territoire.

L'immigration açorienne

À partir des années 1740, à l'initiative d'Alexandre de Gusmão, ministre du roi João V, le Portugal lance un projet de colonisation et de peuplement dans le sud du Brésil, dans le but de s'assurer la possession du territoire disputé par les Espagnols. Pour ce faire, il a recours à l'immigration en provenance de Madère et des Açores.

À partir de 1746, des couples açoriens ont été envoyés au Rio Grande. C'est une nouvelle forme de colonisation préconisée, à travers des familles qui produisent, sans avoir besoin d'esclaves. Les soixante premiers couples fondent Porto dos Casais, puis Porto Alegre.

Un ensemble de forts commence à être créé et environ 5000 immigrants açoriens commencent à coloniser la capitainerie.
L'économie de la région se définit alors comme une économie de subsistance, basée principalement sur la production de blé, liée au marché national, mais isolée des intérêts exportateurs.

L'invasion espagnole en 1763

En 1763, le gouverneur de la province de Buenos Aires, Pedro de Cevallos, profitant de la guerre entre le Portugal et l'Espagne, a attaqué et conquis la moitié du territoire de la Capitanie du Rio Grande do Sul, ainsi que sa capitale, la ville de Rio Grande.

Rio Grande est reprise par les colons portugais le 1er octobre 1777. Le traité de Santo Ildefonso met fin à la guerre coloniale et donne au Portugal la possession définitive du territoire du Rio Grande do Sul, à l'exception des Missions, qui restent, elles, en possession des Espagnols.

Quelques années plus tard, lors de la guerre de 1801, le territoire des Sete Povos das Missões sera finalement conquis par les gauchos et annexé aux possessions portugaises par le traité de Badajoz.


Le facteur économique a joué un rôle important dans le processus d'intégration du Rio Grande do Sul colonial au reste de l'Amérique portugaise. Le besoin constant de mules et de viande pendant la ruée vers l'or nécessitait des importations en provenance de l'extrême sud, ce qui a encouragé l'ouverture de nouvelles routes. Avec la fin de la ruée vers l'or, le commerce s'est poursuivi, stimulé par la production de charque (la viande séchée) après que le Ceará ait réduit ses exportations, dévastées par la sécheresse de 1777.

Au 19 ème siècle

La période de conquête du territoire a pris fin et l'estancia s'est consolidée en tant que centre de production, complétée par la charqueada (propriété rurale où l'on produit de la viande salée séchée) qui s'est développée grâce à l'introduction de la main-d'œuvre d'esclaves. Le marchand de bétail (mule, cheval, et vache), le tropeiro (muletier), s'enrichit et acquiert une importance sociale. Avec l'arrivée d'autres peuples à partir de 1824, la société d'élevage coexistera alors avec la petite propriété agricole, diversifiant la production.

Le 19 septembre 1807 est créé la Capitainerie de São Pedro do Rio Grande do Sul.
Le 28 février 1821, elle devient la Province de São Pedro do Rio Grande do Sul, qui deviendra l'état actuel du Rio Grande do Sul, après la Proclamation de la République du Brésil par le général Antônio de Souza Netto en en 1836.

Les conflits politiques locaux ont été féroces dans le début de la République et c'est seulement dans le gouvernement de Getúlio Vargas (1928) que l'État s'est pacifié.

Au 19 ème siècle, le Rio Grande do Sul a été le théâtre de révoltes fédéralistes, comme la guerre de Farrapos (1835-45), la lutte contre Juan Manuel de Rosas (1852) et la guerre du Paraguay (1864-70).

Au cours de la lutte pour le contrôle de l'Uruguay, qui aboutira à la création de la province de Cisplatina et à sa transformation en pays indépendant en 1828, le territoire du Rio Grande do Sul subit une forte hémorragie d'hommes et de ressources.

Porto Alegre

La ville de Porto Alegre s'est développée à l'embouchure du rio Guaíba, au bord de la Lagoa dos Patos.
Porto Alegre est une ville sans centre historique. Il y a une lagune mais pas de bord de mer.
Pour se baigner il faut aller en dehors de la ville.

Lagoa dos Patos Lagoa dos Patos

Lagoa dos Patos

Les personnes originaires du Rio Grande do Sul sont appelées les "Gauchos", rien à voir avec les Argentins à cheval, mais quand même on s'en rapproche. Dans le sud du Brésil on boit aussi le maté tout comme en Argentine.

Dans certains endroits de l'État, comme la Serra Gaúcha et la région rurale de la moitié sud, il est encore possible d'entendre des dialectes de la langue vénitienne (talian) et de l'allemand (hunsrückisch, plattdeutsch ).

La Lagoa dos Patos

La Lagoa dos Patos est parallèle à l'océan Atlantique. C'est la plus grande lagune du Brésil et la deuxième d'Amérique latine avec 10 144 km². Elle mesure 265 km de long sur 60 km de large (à sa dimension maximale) avec 7 m de profondeur. Elle est parallèle à l'0céan Atlantique dont elle est séparé par une péninsule.

Le nom serait lié aux tribus d'Indiens qui habitaient la région du Rio Grande do Sul connues sous le nom d'Indiens "Patos".

Une autre version dit que l'origine du nom de cette lagune se serait produite en 1554, lorsque certains navires espagnols se rendaient dans la région de Prata et harcelés par une tempête se sont retrouvés dans l'éventualité de chercher un refuge à l'embouchure du Rio Grande. Là, ils laissèrent s'échapper quelques canards qu'ils avaient à bord et les oiseaux se trouvèrent si bien sur ce lieu qu'ils se reproduisirent étonnamment. Cependant, cette version ne trouve pas de corroboration dans les documents historiques.

Lagoa dos Patos
Lagoa dos Patos
Le bord de la Lagoa dos Patos à Porto Alegre


Porto Alegre n'est pas si éloigné de Florianópolis que cela. J'en profite donc pour rendre visite pour la deuxième fois à mes amis Jana et Malik. Je prends le bus de Porto Alegre à Florianópolis.


Le sud du Brésil, c'est un peu une Suisse latine... la "Suisse brésilienne" !
Vue du bus qui me mène de Porto Alegre à Florianópolis.