Les missions jésuites

Novembre 1998

30 Octobre - 15 Novembre 1998


Au Brésil : Santo Angelo

En 1986 un film est sorti sur les écrans, "Mission", un film britannique réalisé par Roland Joffé, avec Robert De Niro, Jeremy Irons, Ray McAnally, et une superbe musique d'Ennio Morricone. Il reçoit la Palme d'or au festival de Cannes 1986.


Le film "Mission" relate en deux heures les quelques 150 ans d'histoire des réductions guaranies, sortes de républiques autonomes créées par les jésuites aux confins du Paraguay, de l’Argentine, et du Brésil.

Il met en scène le drame de conscience que vivent les Jésuites, au 18 ème siècle, lorsqu'ils sont contraints d'abandonner leur mission.

Il fait également allusion à la Guerre des Guaranis de 1754-1756.



Le Synopsis

Le cardinal Altamirano, visiteur apostolique des missions jésuites écrit son rapport au pape. Au fil de ce qu'il écrit, il revoit ce qu'il a appris au cours des derniers mois.

Au début du 18 ème siècle un prêtre jésuite espagnol, le père Gabriel (Jeremy Irons), entre sur les terres guarani en Amérique du Sud dans le but de convertir les indigènes au christianisme. Il construit bientôt une mission, où il est rejoint par Rodrigo Mendoza (Robert De Niro), un marchand d'esclaves réformé en quête de rédemption.

Un travail d'approche difficile mais réussi grâce à la création d'une école musicale de haut niveau, à l'origine indispensable aux offices religieux, mais dont la nécessité apparaît également centrale dans le processus d'éducation et de développement humain. Conçue sur le modèle des très nombreuses écoles musicales réparties dans tout l'Occident, elle deviendra un élément d'autonomie, et finalement ici, un acte de résistance.

Le père Gabriel fait visiter plusieurs missions au cardinal Altamirano qui est impressionné par la qualité de développement et de vie qu'il y découvre. À la fin de son séjour, le cardinal Altamirano révèle une décision, qui en fait avait été prise avant même son arrivée : un traité signé en Europe partage les terres entre Espagnols et Portugais, et transfère les terres de l'Espagne au Portugal : les Jésuites doivent quitter les réductions.

Mendoza et Gabriel refusent d'abandonner les Guaranís, décident de défendre la mission. Le gouvernement portugais veut capturer les indigènes pour le travail d'esclave. Ils organisent la résistance à l'assaut de l'armée portugaise venue appliquer les accords signés en Europe et qui veulent capturer les indigènes pour le travail d'esclave.

Au final la mission est détruite : les Guaranis retournent dans la forêt.


Le film a en partie été tourné dans le parc national d'Iguazú en Argentine...
Quand le film est sorti, je revenais tout juste de mon premier voyage au Brésil, j'étais allée aux chutes d'Iguaçu/Iguazú... ce qui a fait que ce film m'a particulièrement touchée. Je découvrais aussi une partie de l'Histoire très lointaine du peuple brésilien dont je ne connaissais pratiquement rien.



J'y vais avec mes amis de Porto ALegre

J'ai donc dit à Marçal : OK pour Porto Alegre mais je veux visiter les Missions Jésuites.
Je lui ai demandé de me trouver une excursion avec une agence brésilienne. Mais il ne m'a rien trouvé.

Marçal, qui pourtant est né dans l'état de Rio Grande do Sul n'a jamais été voir les Missions.
Alors finalement nous partons tous trois, en libre, sans agence, profitant du week-end férié de 4 jours du 7 novembre.

Les missions jésuites des Guaranis (que l'on appelle également les "réductions" ou "reducciones" (="regroupement" en espagnol) ont été construites au 17e et 18e siècles au milieu de la forêt de l'Argentine, du Paraguay et du Brésil, sur le territoire des Guaranís. Elles sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1983.

Nous avons pris les bus, de nuit et de jour. Pour visiter les missions jésuites, nous irons à la frontière du Brésil, en Argentine, puis au Paraguay. Une inoubliable aventure, des paysages magnifiques au passage de la frontière entre le Brésil et l'Argentine, la traversée du fleuve Uruguai en balsa et l'expérience du maté.


cathedrale


La création des missions

Elles ont été construites à la suite de l’allégeance de certains chefs guaranis (les caciques) qui s’étaient placés sous la suzeraineté du Roi d’Espagne afin de ne pas avoir à se soumettre aux bandeirantes, les esclavagistes portugais du Brésil. Il y avait deux jésuites par mission.

La première mission fut intallée à São Ignacio Guaçu.

Entre 1609 et 1706 les missionnaires jésuites étendirent leur évangélisation dans les régions du Guaíra (aujourd'hui le Parana), Iatim (Mato Grosso do Sul) et Tape (Rio Grande do Sul).


La particularité de ces missions était que les Guaranis étaient libres. Témoignages de cette liberté, ce sont les rapports de conflits qui existaient entre les Jésuites et les Guaranis, ceux-ci ne supportant pas parfois les remontrances qui leur étaient faites. Le choc culturel, ainsi que le poids de cette allégeance morale aboutit à plusieurs cas de "rébellion", ou plus exactement de désertion lorsque les mutins choisissaient de repartir vivre en forêt.

En plus d'une protection physique certaine, les Guaranis bénéficiaient des savoirs européens, tant d'un point de vue scientifique qu'artistique, et relativement démocratique. C'est dans le domaine de l'art qu'ils ont excellé, leurs œuvres sont aujourd'hui exposées dans les musées, et à l'époque étaient envoyées aux "grands" ecclésiastiques de l'Ancien monde.


Les missions se sont multipliées pendant trente ans

De 1611 à 1630. Elles ont abrité des populations allant jusqu’à 140 000 personnes du nord de l’Uruguay au sud-est du Paraguay en passant par le Brésil et l’Argentine. Elles eurent plus de difficultés pour se se développer avec certaines tribus Guarani qui restaient très dispersées dans la forêt amazonienne.

Entre 1632 et 1635 elles furent assiégées par les bandeirantes. Le Père Montoya réussit à obtenir des armes, et une armée fut constituée qui mit un terme à cette attaque. Le Pape Urbain VIII apporta en 1639 sa protection aux Indiens par la bulle Commissum Nobis.

À leur apogée les missions auraient couvert une superficie comparable à celle de la France.



La fin des missions

Le Traité de 1750 délimitant les territoires entre le Portugal et l’Espagne frappa la fin des missions.

Les Portugais n’ayant pas trouvé d’or en ces lieux sont repartis. En 1758, les Jésuites et les Guaranis revinrent pour refonder quelques missions. Mais l'expulsion des Jésuites des territoires portugais en 1767 frappa un autre coup. D'autant plus que les administrations portugaises et espagnoles étaient hostiles à ces zones de quasi extraterritorialité, et envoyèrent des troupes, mais l'offensive s'enlisa. Dès lors les missions continuèrent, mais elles déclinèrent progressivement jusqu’à disparaître au début 19 ème siècle.


La province de Misiones


C'était trente villages guaranis partageant un territoire et une même culture. Ils constituaient la province jésuite de "Misiones", correspondant aujourd'hui à la région frontalière entre le Paraguay, l'Argentine, et le Brésil actuels.

Quinze de ces villages se situent en Argentine. Sept des anciennes missions ont été déclarées Patrimoine de l'Humanité.

Les cinq principales missions sont celles de :

→ São Miguel das Missões, au Brésil
→ San Ignacio Mini, Santa Ana, Nuestra Señora de Loreto et Santa Maria la Mayor, en Argentine.

Toutes font parties du Patrimoine de l'UNESCO.



La carte de notre circuit


La ville de Santo Ângelo

Santo Ângelo se trouve au nord-ouest de l'État brésilien du Rio Grande do Sul. On est à 459 km de Porto Alegre. La ville a été fondée en 1706 et c'est l'un des points d'accès vers les Missions. C'est la plus grande municipalité de la "Região das Missões".

Santo Angelo est reconnue pour son pôle éducatif dont une université, l'URI (Universidade Regional Integrada do Alto), qui se consacre d'ailleurs profondément à la restauration des missions.


cathedrale


Mon autre souvenir de Santo Angelo, ce sont ses motos-taxis...
On les appelait des cabines téléphoniques et ils venaient nous chercher avec un deuxième casque à la main.

Quelques monuments

La cathédrale de Santo Angelo se situe à l'emplacement de ce qui fut la mission de São Angelo Custodio (1706).
Elle a été construite en 1929, copiée sur le temple jésuite de São Miguel.


cathedrale
La cathédrale de Santo Angelo


cristo
Le Christ mort (O Cristo morto)

Cette statue a été trouvée à l'intérieur de la Mission de Santo Angelo Custodio, sculptée en 1740, elle a la taille d'un homme. Elle se trouve maintenant à l'intérieur de la cathédrale

monument
Le monument dédié à l'indien (Monumento ao Indio).

Ce monument a été sculpté en 1960 par Olindo Donadel. C'est un hommage à l'héroisme et à la résistance des Guaranis

Santo Ângelo et la Colonne Prestes

Outre son passé historique datant de l'époque des Missions, Santo Ângelo s'est rendue célèbre au début du 20 ème siècle sous la première république du Brésil, pour avoir été le point de départ de la "Colonne Prestes".


Luis Carlos Prestes (1898 - 1990) était un militaire et homme politique brésilien dont la vie fut tout entière tournée vers la défense de ses idées communistes. Il initia une rébellion contre la République dans un but de mesures sociales.

En octobre 1924, alors capitaine, Luís Carlos Prestes prit la tête d'un groupe de rebelles à Santo Ângelo.

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memorial

Coupant l'encerclement des troupes gouvernementales, il se dirigea vers le nord jusqu'à Foz do Iguaçu. Le groupe en rencontra un autre venant de São Paulo et il se forma ce que l'on appellera la Colonne Prestes, avec 1 500 hommes.

Entre le 17 décembre 1924 et le 2 février 1927, ils parcoururent 25 000 km, traversèrent 13 états, c'est la plus longue marche d'une milice révolutionnaire de l'Histoire. Les pertes furent d'environ 750 hommes dues au choléra, à la fatigue et au manque de chevaux.

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memorial
Mémorial de la colonne Prestes.
C'est l'édifice de l'ancienne gare de trains construite en 1921.
Les premières réunions de la colonne Prestes ont eu lieu dans ce local en 1924
monument
Monument en hommage à la colonne Prestes
sculpté par Niemeyer

Au musée de Santo Ângelo

Au musée on peut voir une maquette montrant l'organisation type des batiments d'une réduction jésuite.


maquette


Le plan type des réductions jésuites

Les réductions sont toutes bâties sur le même plan, reflétant l'organisation sociale elle-même inspirée de principes religieux. Dans le centre se trouvent les bâtiments communs : l’église, et le collège ainsi que des ateliers d’artisanat. L’église constituait l’unité de base, le noyau urbain et le centre de la vie spirituelle.

Juste à côté de l’église se trouvait une vaste place orientée vers les quatre points cardinaux et comportant des croix ou des statues et des sanctuaires aux quatre coins.

Près de l’église se trouvait la résidence des pères jésuites et tout à côté, la maison des caciques.

Les habitations guaranis se répartissent "en haut" et "en bas" du centre. Elles s'inspiraient tout d'abord des cases traditionnelles : tout d'un tenant, rectangulaire à arcadess, le corps de la maison s'étirant en longueur de 60 m pour abriter tous les membres de la famille. Plus tard, lorsque les Guaranis ont accepté le modèle familial monogame, des cloisons ont été ajoutées pour créer des pièces séparées.

Des rues de 16 à 18 m de large partaient des places.

Ce centre est flanqué d'une part d'une prison, ainsi que d'une maison pour les veuves et les femmes considérées comme ayant des mœurs peu respectables, ainsi que d'un cimetière d'autre part. Celui-ci comporte une section pour les hommes, et une autre pour les femmes et les enfants.


Les réductions avaient une durée de vie très courte, que ce soit à cause du terrain ou à cause des invasions des bandeirantes paulistas. Ces razzias emportaient des captifs qui étaient vendus comme esclaves.

Les missions jésuitico-guaranis du Brésil ont été connues sous le nom des "Sept peuples des missions"
Sete povos das missões) ⤵︎

São Francisco de Borja
São Nicolau
São Luiz Gonzaga
São Miguel Arcanjo
São Louranço Mártir
São João Batista
et Santa Ângelo Custódio.


São Miguel das Missões

La mission jésuite de São Miguel est distante de 58 km de Santo Angelo (et à 483 km de Porto Alegre).
On y accède par les BR-285 et RS-536.
Le site de São Miguel a été reconnu patrimoine culturel de l'Humanité par l'Unesco en 1984.


C'est ce site qui servit de décors au film "Mission" de Roland Joffé.

La réduction de São Miguel Arcanjo a été fondée en 1632 par le Père Cristóvão de Mendonça dans la région du Tape.

A cause des attaques des bandeirantes paulistas à la recherche d'esclaves, la population se déplaça en 1638 sur la rive droite du rio Uruguai vers le territoire argentin. Une fois levée la menace, ils repassèrent à nouveau le fleuve Uruguai en 1687, et fondèrent leur cité en 1690, là où auourd'hui se trouvent les ruines actuelles.

La réduction prospéra dans la première moitié du 18 ème siècle, la population atteignit environ 7 000 habitants à l'époque de la construction de l'église de 1735 à 1745. Elle fut détruite un siècle plus tard lors de la guerre contre les indiens Guaraní


Les ruines de São Miguel das Missões sont de remarquables vestiges en bon état de conservation.
On peut y visiter le temple, ainsi que les ateliers et le collège des Indiens.
Il s'y trouve un musée où ont été réunies les magnifiques statues trouvées sur le site.
Chaque soir a lieu un son et lumières.



L'église de São Miguel Arcânjo

Le plus important vestige c'est l'église dont la construction débuta en 1735. Le père jésuite Giovanni Battista Prímoli en fut l'architecte et s'inspira de l'église du Gesù de Rome. La tour est haute de 20 m.


l'eglise


La construction de l'église commença en 1735 et dura 10 ans.
Elle est bâtie en grès et fut réalisée en trois étapes : la nef, la tour et le portique.
Le père jésuite Giovanni Battista Prímoli en fut l'architecte et s'inspira de l'église du Gesù de Rome.



São Miguel das missoes en 1846 - Image d'Internet

l'eglise la tour
La tour de l'église, haute de 20 m

l'interieur de l'eglise
L'intérieur de l'église, sans toit
la croix jesuiter
A l'extérieur, une croix jésuite





Visite du musée

A côté de l'église, se trouve le musée des Missions. Il a été construit par Lúcio Costa en 1938/40 (Lúcio Costa, l'un des architectes qui bâtira Brasilia quelques années plus tard).

Le musée raconte l'histoire des missions des jésuites. On y trouve une centaine de statuettes de Saints, polychromes, en bois, réalisées par les indiens et les jésuites. Certaines dépassent les 2 m de haut.


dans le musee dans le musee
Deux statues du musée

DIAPORAMA

São Miguel das Missões

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